LEGAULT Pierrette

Date de Décès: 2009-05-31

Date de Parution: 2009-06-06

Source: Le Journal de Montréal, QC

Pierrette Legault Chicoine 1927 - 2009 Maman est morte chez nous/chez elle, des suites de sa première maladie à vie, et dans nos bras, encore parfaitement lucide, ce dimanche 31 mai, à 18 heures et quart. À ses côtés, Luc, son mari, son amour, mon père, épuisé; puis Esther, sa belle-fille, ma femme, courageuse; et moi, Jean-François, son fils, unique. Fini l'agonie, bonjour l'humilité; déjà l'ennui, indicible. Quelques jours auparavant, maman faisait un mouvement lent de la tête en se tournant vers moi qui sortais de sa chambre. Sa dernière ellipse. Sur ses lèvres, on pouvait lire : « je t'aime ». Puis, un temps, et encore : « fais attention ». Pour le reste, notre peine d'amour ne tient pas dans les colonnes d'un journal. Tout de même, Pierrette avait 81 ans, encore de l'altruisme pour faire école, toujours beaucoup à dire ou à nous cuisiner, et une dernière extravagance : celle de vouloir revivre sa vie, en refaisant « exactement pareil ». Derrière, elle laisse son cancer du pancréas, son AVC et ses dyspraxies secondaires — bien fait —, mais avant son apoptose, des années pleines d'une extraordinaire exaltation. Sa manière à elle de se rendre utile aux autres, aux malades, aux enfants et à ses amis, aura été, avec son pudding aux fraises, sa plus pétante recette. « Je vous adore, c'est effrayant. On ne devrait pas laisser partir les mères. » Deux ans et demi de survie d'exception à domicile, trois fêtes des Mères hors programme et, en perspective, encore une impérissable raison de se transcender : « Je vais revenir, attendez-moi ». Elle a dit comment. C'est secret. Née dans un coin animé de la Petite-Patrie, Pierrette grandit avec des parents aimants, Charlemagne Legault et Simone Laurin, qu'elle comble de joie par cette sorte d'intrépidité douce dont elle fera sa spécialité. Toute sa vie durant, Simone l'aura épaulée et, pas plus tard que le mois dernier, lui aurait même fait le bonheur d'une dinde mise à cuire durant son sommeil. Séjour scolaire remarqué au couvent des Soeurs Grises de Montréal en raison de la perte répétitive de son « ruban d'enfant de Marie », ma mère, romantique, s'éprend ensuite de littérature, forge ses rêves éveillés sur Le Grand Meaulnes d'Alain Fournier, complète son diplôme de travail social à l'Université de Montréal par une monographie sociale du village d'Oka, puis fonde enfin, sous l'aura de Mme Justine Beaubien et avec des consoeurs de classe, le service social de l'hôpital Sainte-Justine. Quelques années plus tôt, à Oka toujours, où elle passe ses étés autour de son cousin trappiste et de ses voisins sulpiciens, elle rencontre à un bal dansant organisé par la famille Toupin, Luc Chicoine, son futur mari, avec lequel elle partagera 56 ans de pur bonheur. Ensemble, ils partent compléter le fellowship de papa à Cleveland, Ohio, puis reviennent sur Montréal afin de construire un petit monde aux enfants malades avec leurs amis et confrères, notamment Dr Albert Royer, Dr Roger Simoneau, Dr Lucille Teasdale et autres bâtisseurs de la pédiatrie canadienne-française. Nous sommes en 1957, ils accouchent de moi. C'est l'année du Spoutnik soviétique, du tout-à-Spock et en octobre de cet an « de grâce », l'hôpital Sainte-Justine déménage à son adresse actuelle. Entre les fondations, les organismes caritatifs, le bénévolat, les associations culturelles, les arts visuels, des voyages aux quatre coins du monde, avec des petits faibles pour l'Égypte, la Grèce, la côte américaine et une passion jamais démentie pour la rosace de Notre-Dame de Paris, maman me consacre dorénavant le meilleur d'elle-même, applaudit mon développement, puis ma médecine, tout en me permettant d'en sortir. L'infini, je lui dois : toute ma vie durant, ma mère me rappelle et combien la mer est belle quand on est à bon port et en quoi la vie des gens au large a tant d'importance. Depuis bientôt 25 ans, elle avait fait d'Esther Rhéaume, ma femme, sa fille à elle. À Pâques, elle avait adjugé le jambon d'Esther « meilleur au monde », ce qui n'est pas rien pour une grande cuisinière de l'âme. Ces dernières années, Pierrette Chicoine recevait également une reconnaissance professionnelle du service social de l'Université de Montréal et une autre, de ses amies bénévoles du CHU Sainte-Justine. Il lui en aurait fallu une dernière : celle d'une femme épanouie, perpétuellement en mouvement, toujours fière d'être dans les coulisses de la carrière exceptionnelle de papa, astucieuse, indépendante, habilement lovée dans sa génération et qui pratiquait la vie à la perfection. Parmi ceux dont elle trouvait inimaginable de se séparer : son « petit frère », Raymond Legault, dernier survivant de sa première enfance, ainsi que sa très large famille de St-Joseph du Lac; sa « soeur d'adoption », Gisèle Hamel et leurs soixante ans de connivence; ses belles-soeurs et amies, merveilleuses Françoise Carrière-Chicoine, Yolande Dumoulin-Legault et Françoise Desjardins-Chicoine; les Pierre, Yves et Claude Chicoine, ses trois beaux-frères, fils de ses beaux-parents chéris Henri Chicoine et Lucienne Danis-Chicoine; ses « Françaises » d'Angoulême, Simone et Janine Graillot et leurs soixante-dix ans d'amitié transatlantique indéfectible; ses cousins et cousines du côté des Laurin et des Legault, dont Lorraine Gervais, Claude Guay et Marguerite Biard; ses filleuls Robert Chicoine et Jean-Charles Legault ainsi que sa filleule Jocelyne Gervais; ses nombreux neveux et nièces, avec en-tête de peloton, Lucie Chicoine, ma « cousine à vie », suivie d'Alain, Maude, Lydia, Marc-André, Isabelle, Pascal, Danièle, Marie-Josée, Jean-Yves, Philippe, Jean-Luc, ainsi que toute la progéniture, Simon, Lili, Émi, Thomas, Laura, Marcus, puis encore d'autres; ses amies d'enfance, d'études, dont Pierrette Faubert-Roy, puis de jeunesse, à papa et elle, dont les familles Da Sylva et St-Rome; les médecins, les infirmières, enfin le personnel, les bénévoles et ex-bénévoles du CHU Sainte Justine, dont Poussady; ses amis et amies de la rue De Gaspé, d'Oka, du Nouveau-Bordeaux, d'Outremont, de l'Ile-des-Soeurs, du Plateau et de Pompano, dont les bons amis Guimond, Drouin et Thériault; ainsi que sa famille filiative élargie, nos proches, tous au poste ou à nos côtés au cours des deux années et demie de bonheur et de douleurs en maintien à domicile, à vous tous merci, notamment les familles Coutu-Larrivée, Leclerc, Laurendeau-Filion, Dissat-Aynaud, Blancquaert-Bouchard, Duchaine, Germain-Brousseau, Harvey-Brière, Poirier-Villeneuve, Ovetchkine, Guévin-Humbert, Girard, Lapointe, Hubert, Lemieux-Lebel, Roberge, Pinet-Forcier, Léandri, Bastien, Giroux, Vien-Bachand, Tooley-Hébert, Spyckerelle-Verhasselt ainsi que nos tricotés serrés, Julie Leblanc, Rémi Baril, mon « frère associé », avec force et courage pour mamie Brigitte, puis, pour la suite des choses, Charles, Victoria, Cécilia et Léa Baril, notre filleule, qui porte maintenant le bracelet de Pierrette-petite-fille que lui avait offert grand-papa Charlemagne. Pour son empathie, sa proximité et sa générosité sans limites, on remercie notre formidable ami le Dr Rémi Bouchard, médecin de famille de maman. Rémi, maman t'aimait à n'en pas voir clair; contre toute attente, et au-delà du couperet des « spécialistes », pour avoir été la première à reconnaitre le puissant instinct de vie de Pierrette, Dre Marjory Jolicoeur du département de radio-oncologie de Notre-Dame; pour ses soins d'exception, Dre Nicole Daneault, du service de neurologie de l'hôpital Notre-Dame; pour son audace tranquille, Dr Jean Latreille, visionnaire directeur du programme d'oncologie de l'hôpital Charles-LeMoyne ainsi que tout le personnel de son équipe; pour s'être transformé en « mon ange gardien », le si fidèle Dr Serge Daneault, de l'Unité des Soins palliatifs de l'hôpital Notre-Dame; pour leur présence continue, Steve, Fatima, voire Dudule et Bécassine; pour leur compassion, nos confrères du département de pédiatrie du CHU Sainte-Justine qui ont soutenu l'intensité de notre démarche d'accompagnement avec un merci tout spécial à mes collègues et amis du service de maladies infectieuses, dont Philippe, Sandra, Bruce, Marc, Valérie, Chantal, Van, Denis, Ginette, et Yaffa; enfin, pour leur disponibilité à vous redonner foi en l'excellence de notre réseau de soin, les infirmières et le personnel du service de soutien à domicile du CLSC du Plateau Mont-Royal, notamment Yanna ainsi que Corinne qui a partagé avec nous des moments inestimables. Une brève cérémonie aura lieu à la chapelle Outremont du Complexe Funéraire Mont-Royal (1297, Chemin de la Forêt, Outremont, Québec, H2V2P9, 514-279-6540) dont Pierrette fut la voisine pendant des décennies. Vous y êtes convié, sans autre invitation, le jeudi 11 juin, à 16 heures. Sera des nôtres, son ami de très longue date, le père André Gendron, mon professeur chez les jésuites. Afin de laisser un message à notre famille, le mieux, c'est le courriel : pierrettechicoine@yahoo.ca Des dons au nom de Pierrette Legault Chicoine peuvent être dirigés vers la Fondation du CHU Sainte-Justine pour le Fonds académique du service de maladies infectieuses ou vers la Fondation de l'hôpital Charles-LeMoyne pour le centre intégré de lutte contre le cancer de la Montérégie (CICM) ou également à la Fondation Piero Corti et Lucille Teasdale. Aux bébés que je soigne, maman, je prescris des mères qui auront tout de toi. Accroche-toi en nous / en eux. Continue — si ça se peut — de nous/de les regarder, de nous/de les éblouir et je continuerai de te faire honneur en étant « bon avec les enfants de la terre », en dorlotant au mieux ton « gros Luc » et en profitant du bonheur de vivre avec ceux et celles que tu sais — dans le chemin que tu as tracé. T'occupe bien de mon doudou. Merci pour le Merveilleux. Merci pour le Sens. Enfin, merci pour tes dernières secondes : j'aurais jamais cru que la bonté sur terre puisse aller jusque-là. Ton petit gars. Parution: 2009-06-06 au 2009-06-06 dans La Presse - 1864165